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Aux frontières du conflit syrien

 
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Raskolnikoff
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MessagePosté le: 20 Aoû 2013 9:36    Sujet du message: Aux frontières du conflit syrien Répondre en citant

Aux frontières du conflit syrien - mardi 20 août 2013
Les tourments d’Antioche
Par Boris Mabillard envoyé spécial en Turquie

Deuxième volet de notre série autour du volcan syrien, à Antioche, la base arrière de l’opposition syrienne. La ville turque est devenue la plaque tournante de tous les trafics, au grand dam de ses habitants

Une détonation assourdissante met fin aux bavardages. Firat sursaute, Abu Ahmed ne cille pas. Le premier n’a pas connu les bombes, mais il s’inquiète de voir le conflit gagner son pays, la Turquie. Abu Ahmed, lui, après des mois passés au front en Syrie reconnaît désormais l’arme à la détonation. Dans ses yeux sombres, on ne lit plus rien. Un autre boum, puis encore un, les badauds applaudissent. Des pétards et des feux d’artifice, c’est la fin du ramadan à Antioche, dans l’est de la Turquie. La ville, la dernière avant la Syrie, et sa province accueillent des flots de réfugiés, ce qui ne va pas sans créer des tensions entre les communautés. Plus que toutes les autres provinces turques, celle d’Antioche subit les contrecoups du conflit syrien. L’hôtel Kacar, non loin de l’ancienne gare routière, à l’extrémité de la vieille ville et du bazar, accueille une population interlope de réfugiés, de contrebandiers, de combattants en partance pour le front, d’extrémistes en route vers leur djihad et de rebelles au repos. Avant que le conflit syrien ne bouscule le quotidien d’Antioche, il n’hébergeait que des commis voyageurs, des marchands et des routiers.

Au premier étage, à gauche de la réception, la lumière inonde une grande pièce blanche meublée de canapés fatigués et de tables basses de guingois. Trois hommes enturbannés et barbus, occupés à boire du thé, ignorent les autres clients. La télévision branchée sur une chaîne proche de l’opposition syrienne montre en continu les combats et des gros plans sur les victimes des bombes, mais personne n’y prête plus attention. Ehab salue le réceptionniste, il est venu accompagné d’un ami, Abu Ahmed, qui débarque d’une zone de combats et cherche une chambre. Après avoir longtemps séjourné au Kacar, Ehab a pris un petit deux-pièces qu’il partage avec quatre ou cinq autres Syriens, selon les jours. Cela fait des mois qu’il a quitté Lattaquié, sa ville natale, en Syrie, et qu’il vit d’expédients à Antakya, où il prétend connaître désormais tous les autres exilés. Pour lui, les trois compères attablés qui chuchotent dos à l’entrée, «sont des Afghans ou des Pakistanais qui ne veulent pas être repérés». Après une discussion animée pour obtenir une réduction sur la chambre, Abu Ahmed décide de ne pas rester pour la nuit. Le prix est modique, une dizaine de francs par jour, mais c’est déjà trop. Il n’a plus un sou. Or, il est en Turquie pour trouver de l’argent, par n’importe quel moyen. Il partagera un coin de tapis chez Ehab.

Abu Ahmed commande une petite katiba affiliée à l’Armée syrienne libre (ASL). Ses moyens militaires et financiers sont très limités: «J’ai quarante combattants sous mes ordres.» Il se reprend: «Plus que 37. La semaine dernière, j’ai perdu trois hommes. Ils étaient encerclés et n’ont pas pu nous appeler à la rescousse, faute de radios.» C’est pour cela qu’il est venu à Antioche: obtenir l’équivalent d’un millier de francs pour acheter quelques talkies-walkies. Il a essayé en vain auprès de l’état-major de l’ASL, basé non loin d’Antioche: «Les généraux distribuent le peu qu’ils ont à leurs copains au sein de la rébellion.» Il veut désormais tenter sa chance du côté des riches exilés qui prennent sous leur aile des groupes armés. Antioche constitue la base arrière de l’opposition et une grande partie du financement de la rébellion, y compris celui des groupes djihadistes, transite par la ville: «Les katibas qui bénéficient du soutien d’un protecteur n’ont plus de souci à se faire. Les autres s’arrangent en s’adonnant aux trafics ou à d’autres combines lucratives. Moi, si je ne trouve pas un donateur, j’essayerai auprès des Américains. Je suis prêt à leur donner des informations pourvu qu’ils me payent. Je pourrais leur dire où se trouvent les forces de Bachar el-Assad ou si elles ont utilisé des armes chimiques. Je serais une sorte d’espion, mais il ne faudrait pas que cela se sache. Al-Qaida me tuerait.»

Pour le propriétaire syrien de l’hôtel, les affaires sont en déclin, il loue ses chambres miteuses au même prix qu’avant mais depuis quelques mois, les clients se font moins nombreux: «L’argent venant à manquer, beaucoup préfèrent louer un appartement qu’ils partagent à plusieurs. Je ne pleure pas leur départ, car ces clients sans le sou n’amènent que des soucis. Il arrive qu’une bagarre éclate, ou que l’un d’entre eux commette un sale coup et se fasse pincer. A cause d’eux, j’ai eu des problèmes avec la police et aussi avec mes voisins, les gens du bazar, qui tiennent les Syriens pour responsables de leurs problèmes.»

A la lisière du bazar, beaucoup d’entrepôts tournent au ralenti. Avant le conflit syrien, ce quartier perpétuait le commerce de la route de la soie. Les marchandises achetées dans les échoppes d’Antioche étaient acheminées vers tout le Moyen-Orient, la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Irak ou l’Arabie saoudite. «Nous avions aussi quantité de touristes de Syrie qui repartaient avec des paquets jusque sur le toit de leur voiture. Aujourd’hui, le flot s’est tari, les ventes sont en berne. Les réfugiés n’ont pas d’argent et les combattants n’achètent ni des peluches, ni des pistolets en plastique», se lamente Ali, propriétaire d’un ­magasin et d’une entreprise d’import-export de jouets. «La vente au détail continue, doucement, mais pour ce qui est des exportations en gros, c’est terminé.» Toutes les boutiques ne sont pas désertes, certaines ont même vu leurs affaires décoller: «La guerre profite à certains, surtout aux magouilleurs, ou aux contrebandiers syriens.»

Lorsqu’il passe par le bazar, Ehab ne manque jamais de s’arrêter chez oncle Adil, qui a une échoppe de fringues. «Tout le monde l’appelle oncle, parce qu’il dépanne les gars sans le sou. Il y a souvent des filles chez lui, pour une bonne part des prostituées qui lui rendent des petits services.» La boutique voisine a aussi les faveurs des Syriens, elle propose des uniformes et du matériel militaire, mais pas des armes. Les masques à gaz ont fait un tabac. Pour 25 francs, le modèle proposé protège contre quatre gaz différents, selon le vendeur. «C’est du matériel allemand», vante-t-il, en cherchant en vain la preuve sur l’emballage. «Le filtre au moins est allemand, le support vient de Chine.» A un client qui demande un gilet pare-balles, le vendeur rétorque qu’il n’a pas le droit d’en vendre. «Tu es d’accord de mettre combien? Reviens demain.»

Il y a trois ans, des flots de marchandises transitaient par Yayladagi et Bab al-Hawa, les deux principaux points de passage vers la Syrie, explique Serdar Yilmaz Sarac, le secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie d’Antioche: «Avant la guerre, Antioche possédait la deuxième flotte de camions du pays, après Istanbul, 7000, qui sont à l’arrêt aujourd’hui. Les conséquences s’en ressentent d’abord au bazar qui a perdu 70% de son chiffre d’affaires, mais aussi par ricochet dans tous les autres secteurs économiques.» La contrebande a pris un essor sans précédent mais ne peut remplacer les domaines d’activité sinistrés. «C’est par définition illégal, donc les personnes honnêtes n’en profitent pas. En plus, dans la mesure où aucune taxe n’est perçue sur ces trafics, la ville n’en bénéficie pas non plus», précise Serdar Yilmaz Sarac. Avec le marché noir, les activités criminelles se sont multipliées, à commencer par la prostitution. Les agressions seraient en augmentation: «Les rumeurs font une caisse de résonance à la peur. On parle de vols commis par des Syriens, de meurtre. Mais c’est la hausse des loyers imputée à l’afflux de réfugiés qui nourrit la colère.»

A l’autre extrémité du souk, les ruelles étroites du quartier chrétien grimpent jusqu’au flanc de la montagne qui surplombe Antioche. Les chrétiens ne sont plus que 1500 dans la ville, un peu plus de 10 000 pour l’ensemble de la province. Mais leur communauté, l’une des plus anciennes de Turquie, est très active. Deux églises, une synagogue, et deux mosquées sont réunies dans un mouchoir de poche. L’église protestante se trouve au bout d’une rue passante. De part et d’autre du portail en fer forgé, deux magasins vendent de l’alcool. Derrière le comptoir, Georges craint que l’afflux de réfugiés ne nuise à l’harmonie confessionnelle: «Je n’ai rien contre les réfugiés, encore moins contre les Syriens, mais je ne veux pas des extrémistes qui mettent des bombes ou prônent la charia. Ici, toutes les communautés s’entendent. La tolérance est la règle, comme c’était le cas en Syrie avant. Mais, vers le bazar et dans les quartiers où les Syriens sont nombreux, les habitudes ont déjà changé.»

Une moitié de la population locale appartient à la branche nusairi des alevis. Ils sont proches des alaouites, la communauté dont fait partie Bachar el-Assad, et ne voient pas d’un bon œil l’opposition syrienne. «Avant que les Français ne cèdent aux Turcs ce qui était le Sandjak d’Alexandrette (circonscription de l’Empire ottoman), nous étions rattachés à la Syrie», explique Firat, étudiant, alevi et militant de gauche. «Depuis deux ans, nous organisons des manifestations. Au début, pour soutenir Bachar el-Assad, mais depuis un an, surtout contre la politique de notre gouvernement qui nous entraîne vers une guerre de religion, en appuyant les terroristes syriens.»

Des canons à eau et des blindés légers veillent jour et nuit sur la place Kemal Atatürk, le père fondateur de la République turque. Sur l’avenue, des bris de verre, des graffitis hostiles au gouvernement et un abribus carbonisé témoignent des violences de la veille. Depuis juin, au moment où à Istanbul une foule en colère a investi le parc Gezi, les manifestations anti-gouvernementales se succèdent et, contrairement au reste du pays, les protestataires restent mobilisés. Surtout dans le quartier d’Armutlu, peuplé en majorité d’alevis. Pour Cihan, qui presque chaque soir affronte les forces de l’ordre à coups de pierres et de cocktails molotov, la coupe est pleine: «Le gouvernement mène une politique islamiste défavorable aux minorités. Il ne s’agit pas seulement de la Syrie et du soutien qu’il accorde aux islamistes, mais surtout du mépris qu’il affiche pour les alevis.»

Au palais du gouverneur – une imposante bâtisse rénovée qui date du mandat français –, le porte-parole consent que le ressentiment gronde. Mais il insiste sur les investissements réalisés par le gouvernement pour apaiser la province: «Routes, aéroport, infrastructures régionales et soutien à l’économie, Recep Tayyip Erdogan ne ménage pas ses efforts. Désormais, les nouveaux arrivants syriens sont envoyés vers d’autres camps, dans les provinces de Gaziantep et de Sanliurfa, où les tensions sont moins grandes.» Au siège du parti kémaliste (Parti républicain du peuple, CHP), le son de cloche est différent. Pour Servet Mullaoglu, «le premier ministre a utilisé la Syrie pour asseoir sa politique islamiste. Il veut rallier les Turcs sur des bases confessionnelles. Mais l’attentat de Reyhanli, le 11 mai dernier, à 35 kilomètres d’Antioche, dans lequel 51 personnes ont péri, a créé une prise de conscience. Les Turcs ne veulent pas de ce conflit. Ce sera un argument important lors des prochaines élections.»

Ehab accommode sa biographie selon ses interlocuteurs. Chez Fahdi, la petite maison de thé à l’entrée de la gare routière, il prétend être alaouite. Mais à la terrasse du café Nora, où il passe le plus clair de son temps, il reprend sa confession sunnite, et selon les circonstances feint la dévotion, «pour éviter les ennuis», se justifie-t-il. Ce jour-là, une alerte circulant sur les réseaux sociaux lui fait craindre le pire: des enlèvements visant les Syriens à Antioche seraient imminents.


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MessagePosté le: 20 Aoû 2013 9:41    Sujet du message: Répondre en citant

Aux frontières du conflit syrien - mardi 20 août 2013
La Turquie, principale base arrière des rebelles
Par B. M.
Une minorité de Turcs soutient la politique anti-Bacahr el-Assad du premier ministre Recep Tayyip Erdogan

Dès le début du conflit syrien, le gouvernement turc a choisi son camp. Il n’a eu de cesse de critiquer le président Bachar el-Assad. Il a dans le même temps affiché un soutien inconditionnel aux rebelles de l’Armée syrienne libre (FSA) et poussé les pays occidentaux à livrer des armes à l’insurrection et à imposer une zone d’exclusion aérienne. Mais le conflit syrien divise l’opinion turque. Une étude réalisée au mois de juin par le Centre de recherche sociale et stratégique MetroPOLL, basé à Ankara, montre que seulement 28% de la population soutient la politique du gouvernement vis-à-vis de la Syrie. En plus d’être impopulaire, la politique du premier ministre Recep Tayyip Erdogan pourrait bien se retourner contre lui.

La Turquie est cruciale pour l’opposition syrienne. Elle accueille 210 000 réfugiés enregistrés, répartis dans une douzaine de camps, plus des dizaines de milliers d’autres, établis hors des camps. Elle offre une base arrière aux rebelles, permet le ravitaillement en armes et en munitions, et le passage de l’aide humanitaire. Mais une partie des Turcs craignent que cette politique provoque des représailles de la part du régime syrien. De nombreux tirs transfrontaliers, des explosions d’obus, l’attentat non revendiqué de Reyhanli, le 11 mai, qui a fait 51 morts, et le kidnapping à Beyrouth de deux pilotes de Turkish Airlines, montrent que c’est déjà le cas.

L’aide de l’OTAN

Recep Tayyip Erdogan a obtenu le soutien de ses alliés de l’OTAN qui ont installé des batteries de missiles Patriot le long de la frontière. Cela ne suffit pas à rassurer la population ni à empêcher le conflit syrien de déborder sur la Turquie.

Ankara a d’autres sources d’inquiétudes. A commencer par les Kurdes syriens qui ne font plus secret de leur ambition politique. Le Parti de l’union démocratique (PYD), que le gouvernement turc considère comme affilié au PKK, a désormais pris le contrôle d’une région dans le nord-est de la Syrie. Il vise l’autonomie et rejette les demandes de l’ASL pour préserver l’unité de la Syrie et constituer un front uni, incluant les combattants kurdes, contre Damas. Fin juillet, une délégation du Ministère des affaires étrangères a rencontré Muslim Saleh, le chef du PYD. C’est un infléchissement de la part du gouvernement turc qui jusqu’alors se montrait menaçant. Cette ébauche de dialogue n’a toutefois abouti à aucun compromis, car aux yeux d’Ankara, le projet d’un Kurdistan syrien autonome est inacceptable.

A Antakya, une source diplomatique européenne explique la complaisance montrée par les militaires turcs à l’égard des djihadistes par leur volonté de nuire aux Kurdes: «Si l’armée turque voulait fermer la frontière, ce serait facile. Mais, elle ne tient pas à arrêter les djihadistes, surtout s’ils combattent aussi les Kurdes.»

Critique des djihadistes

La complaisance d’Ankara à l’égard de groupes liés à Al-Qaida pourrait toucher à sa fin. Jabhat al-Nosra et l’Etat islamique d’Irak et du Levant ont prospéré en Syrie. Ces deux groupes djihadistes sont désormais incontrôlables. Ils n’hésitent pas à s’en prendre aux protégés de la Turquie, l’ASL et la Coalition de l’opposition syrienne. Ils pourraient demain s’attaquer aux islamistes modérés et, peut-être, aux intérêts turcs. Après l’attentat contre son ambassade en Somalie, le 27 juillet, revendiqué par le groupe shabab, lié à Al-Qaida, la Turquie a pour la première fois condamné directement Jabhat al-Nosra.


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MessagePosté le: 20 Aoû 2013 9:57    Sujet du message: Répondre en citant

Aux frontières du conflit syrien mardi 20 août 2013
Ayham, profession contrebandier
Par B. M.
Les djihadistes ont pris le contrôle de la contrebande. Témoignage

Ayham sort son téléphone et montre ses photos de trésors: une croix byzantine en or, une statue d’Alexandre de Macédoine, une autre de la Vierge. Des merveilles inestimables mises au jour en Syrie par des pilleurs de tombes, puis passées sous le manteau en Turquie? «De vulgaires copies», tranche un riche marchand d’art d’Istanbul, venu à la frontière syrienne pour les bonnes affaires. Ayham s’énerve: «Je connais celui qui a excavé ces objets, j’ai toute confiance en lui.» Pas de quoi convaincre l’antiquaire, qui s’en va.

Rêve de stylisme

Avant de se livrer à la contrebande d’objets archéologiques, Ayham a trafiqué des armes, de l’essence, des cigarettes et même de la farine, de part et d’autre de la frontière syrienne. Il a aussi joué les passeurs, aidé les réfugiés à se rendre en Turquie et les djihadistes étrangers en sens inverse. Avec deux comparses, il avait monté une bande. Tout a tourné court lorsque son ami Ahmed s’est fait la malle avec la caisse: «Nous avions réuni 15 000 dollars, mais le vol d’un chargement par des bandits armés nous a laissé une grosse ardoise. Ahmed a préféré filer avec toutes nos économies, il est rentré à Lattaquié.»

Ayham, lui, ne peut plus retourner à Lattaquié, ville côtière sous le contrôle des forces loyales à Bachar el-Assad. «Je suis recherché depuis le début de la révolution. Au premier check point gouvernemental, je me ferais arrêter», dit-il en levant son visage angélique vers le ciel. Il a 29 ans, mais ressemble à un adolescent.

Le trafic d’armes et de cigarettes rapportait beaucoup. «Les armes provenaient pour la plupart de l’arsenal de l’armée, elles étaient vendues par des officiers corrompus. Je les transportais là où la demande était la plus grande. Mais, depuis six mois, les groupes djihadistes armés font la loi et ont pris le contrôle de la contrebande. C’est devenu dangereux pour les petits trafiquants.»

Ayham ne voit pas de mal au pillage des sites archéologiques. «Tout le monde s’y est mis. Dans chaque katiba, il y a quelqu’un qui fouille le sous-sol. Beaucoup de sites n’ont pas encore été excavés. Il suffit de gratter au bon endroit et on tombe sur des statues, des pots, des pièces.» Les douaniers turcs, très stricts lorsqu’il s’agit d’exporter des antiquités hors de Turquie, ferment les yeux sur le trafic d’objets syriens.

Le bruit s’est répandu que le commerce d’antiquités permettait de s’enrichir facilement. Ayham n’y entend rien. Il croit que tout ce qui brille est de l’or, à condition que ce soit ancien. Les chiffres se confondent: il veut des milliers de dollars pour les statues, des millions pour la croix. «Que puis-je faire pour survivre? En Syrie, il n’y a plus de place pour des activités légales. Si tu n’as pas derrière toi une bande armée, tu ne peux pas faire de l’argent. En Turquie, les gros bonnets font leur beurre, mais ils laissent aussi un peu de place aux petits comme moi.» La vraie passion d’Ayham, ce sont les vêtements pour femmes. Il a étudié le stylisme et rêve qu’un jour, peut-être, il confectionnera des robes.


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MessagePosté le: 30 Sep 2013 9:47    Sujet du message: Répondre en citant

Article publié dans le Temps de Genève:

Opposition syrienne - lundi 30 septembre 2013
Une nébuleuse traversée par les fractures idéologiques
Par B. M.

Les rebelles qui combattent le régime de Bacher el-Assad se caractérisent par une extrême diversité. Aussi bien dans leurs projets que dans les moyens censés les servir

L’Armée syrienne libre (ASL)

Les révolutionnaires nationalistes ont été parmi les premiers à lever les armes contre le régime. Parmi eux, se trouvent nombre de déserteurs de l’armée régulière. L’agenda de l’ASL tient tout entier dans le renversement de Bachar el-Assad et le rétablissement de la démocratie. Ses combattants, qui sont, dans leur majorité, musulmans, même si l’on compte quelques chrétiens et une poignée d’alaouites, se disent attachés à des valeurs démocratiques et à la laïcité. Ils ont rallié l’ASL dès sa création, en sont la colonne vertébrale et reconnaissent l’autorité de son chef, le général Sélim Idriss, basé en Turquie.

Les brigades de l’ASL ont joué un rôle déterminant au début de l’insurrection, mais leur influence a décru à mesure que d’autres groupes gagnaient en importance. Considérés comme fréquentables, ce sont ces rebelles qu’Européens et Américains ont envisagé d’aider. D’ailleurs, ils ont vraisemblablement reçu de l’aide américaine, à travers la frontière jordanienne, au sud du pays. L’Etat saoudien les soutient aussi, avec de l’argent et du matériel. Ils ont également bénéficié d’une aide, qualifiée de non létale, surtout des lunettes de visée et des moyens de communication, fournie par certains Etats européens, dont la Grande-Bretagne. Au sein de ce courant, deux coalitions dominent: Ahfad al-Rassoul et Jabhat Ahrar Syria, qui ont chacune des effectifs d’environ 10 000 hommes et sont actives entre Damas et la Jordanie.

Armer ces brigades de l’ASL présente un dilemme, car elles sont affaiblies, et, pour cette raison et parce qu’elles sont désormais prises pour cible par les djihadistes radicaux, leur arsenal pourrait être capturé. En cas de négociations de paix et d’un cessez-le-feu agréé par l’état-major de l’ASL, elles pourraient suivre les consignes de leur hiérarchie.

Les petits groupes

Dès la fin de 2011, alors que l’ASL était encore balbutiante, des comités armés locaux sont apparus. Leur ancrage est paysan et leurs motivations surtout défensives: protéger leur village ou leur territoire. La plupart de ces groupes ne possèdent qu’un armement sommaire et ne participent que rarement à des offensives. Leur force a diminué à mesure que leurs combattants les plus déterminés rejoignaient d’autres groupes. Ces petits groupes, nombreux, concluent parfois des alliances, selon les circonstances. Leur financement est local et privé: par exemple, une connaissance exilée qui envoie de l’argent.

Les islamistes non djihadistes

Une nébuleuse de groupes que l’on peut diviser en deux. Les brigades qui se réfèrent à l’idéologie des Frères musulmans, notamment Liwa al-Tawid, la plus grande formation d’Alep, forte de plus de 10 000 hommes. Dans la banlieue de Damas, on trouve Liwa al-Islam et Suqqur al-Sham, dans les environs d’Idlib. Pour eux, le califat relève de l’utopie à laquelle on doit tendre. Mais dans l’attente de cet avènement, une république islamique est à leurs yeux acceptable.

L’autre partie de cette mouvance regroupe des salafistes modérés. La brigade Farouk se bat, avec quelques milliers d’hommes, dans la région de Homs et de Rastan. Tous ces groupes se sont réunis au sein du Front islamique pour la libération de la Syrie (FILS), mais tous n’ont pas coupé les liens avec l’ASL, même s’ils ne reconnaissent pas pleinement l’autorité de son chef, le général Sélim Idriss. Leur financement vient en priorité du Qatar, soutien traditionnel des Frères musulmans, et plus marginalement de la Turquie. Ils ont récemment cosigné avec les djihadistes une lettre pour annoncer qu’ils désavouaient la coalition nationale de l’opposition. Toutefois, en cas de négociations de paix, les brigades liées aux Frères musulmans pourraient, peut-être, si le gouvernement turc faisait pression, accepter un compromis négocié.

Les djihadistes sans agenda internationaliste

Ils prônent la création d’un califat. «Historiquement, à Damas rayonnait le califat omeyyade, un âge d’or pour l’Islam. Les djihadistes y font référence, ils veulent le recréer en Syrie, et s’opposent par conviction à toute législation autre que la charia, car seul Dieu peut légiférer», explique Fabrice Balanche. Dans leur vision du monde, les chiites sont des ennemis, les chrétiens aussi. Une partie des groupes de cette mouvance se sont unis pour former le Front islamique de Syrie (FIS). Notamment Ahrar al-Cham, une des plus grosses brigades de Syrie, avec près de 20 000 combattants, à Homs, Idlib, Lattaquié, Alep et, dans une moindre mesure, dans la banlieue de Damas. On les trouve aux côtés des autres djihadistes, notamment Jabhat al-Nosra, pour mener des offensives conjointes. Ahrar al-Cham accueille un grand nombre de combattants étrangers venus d’Europe et du Maghreb. Le FIS est principalement financé par des donateurs privés, ressortissants des pays du Golfe, par des Koweïtiens et des Saoudiens notamment. Leur refus d’accepter les chiites et les alaouites, minorité dont est issu le clan de Bachar el-Assad, ainsi que leur hostilité à l’égard des valeurs démocratiques, les disqualifient pour d’éventuelles négociations.

Les djihadistes internationalistes

Deux groupes participent de ce mouvement: Jabhat al-Nosra (JAN) et l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), qui ont les deux revendiqué leur affiliation à Al-Qaida. Le premier s’est implanté en Syrie dès le début de 2012, alors qu’EIIL a suivi une année plus tard. La Syrie n’est pour eux qu’une étape dans la voie du djihad; lorsqu’un califat y sera établi, ils porteront le combat ailleurs et de préférence contre l’Occident et ses alliés (les monarchies du Golfe). En plus d’une pratique de la guérilla, ils ont conservé le modus operandi d’Al-Qaida: attentats suicides et voitures piégées. Sur le terrain, ils sont parmi les plus entraînés et les plus efficaces, car ils bénéficient de l’expérience des nombreux combattants aguerris qui les ont rejoints: Irakiens, Libyens, Tchétchènes et même des Afghans. Leur financement est opaque, on sait qu’ils ont mis à contribution les bailleurs de fonds d’Al-Qaida, riches donateurs des pays du Golfe, grâce auxquels ils ont pu se constituer un arsenal important Ils refusent en bloc toute idée de négociation.

Les Kurdes

Les brigades kurdes ont été créées par d’anciens combattants du PKK et du Pejak, qui lui est apparenté. Elles se sont appelées YPG (prononcer yépégué) et dépendent du parti PYD de Saleh Muslim. Ce dernier a pris ses distances avec le PKK, mais les liens perdurent: uniformes, armes et financement proviennent de l’organisation faîtière du PKK. Quant à l’idéologie, elle est d’obédience marxiste. Leur agenda est strictement kurde: ils se battent pour l’autonomie de leur région, dans le nord-ouest de la Syrie, et s’opposent pour cette raison aux autres rebelles. Dans la mesure où l’armée régulière leur a abandonné la région du nord-est sans combattre, les autres rebelles les accusent de complicité avec Damas.
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