Forums d'A TA TURQUIE

[Girsu]

Moi j'applaudis quelque soit l'avion et où qu'il aterrisse. Mais il faut dire que je n'ai pris qu'une fois un avion qui ne soit pas de la Türk Hava Yollari. Et si je choisis systématiquement les avions turcs, c'est non seulement pour soutenir l'aviation du pays de mon coeur, gagner quelques heures de "presque Turquie" en buvant un visne suyu, mais aussi parce que le cursus des pilotes de ligne des avions de la THY me donne confiance.
Donc, même l'arrivée dans mon 2è pays, celui de mes 365 jours moins 15 jours pathétiquement courts dans mon pays de coeur, me fait applaudir. Me fait exulter, simplement, d'être en vie. C'est un truc typique au gurbetçi alors ?
Marrant, je ne savais pas.
En véritable névrosée, je caresse le fuselage de l'appareil en lui disant des mots doux et en l'appelant par son petit nom (le prénom de l'avion est vers son nez). Puis, une fois assise, je pose mes mains sur mes cuisses en position zen. Parce qu'une fois, j'ai tellement agrippé les accoudoirs que soudain, le siège est parti en arrière en plein décollage et j'ai failli avoir un arrêt cardiaque. (Et puis, les marques de griffes sur mes jambes, je trouve cela inesthétique en maillot de bain). En général, il me faut deux jours pour débloquer ma nuque après un trajet en avion. En ce moment, j'écris en faisant le pigeon ou la poule qui glousse : geste de physiothérapie consistant à avancer la tête en gardant les yeux rivés sur un même point, sans bouger les épaules... C'est efficace mais assez idiot comme mouvement. Où en étais-je ? Ah oui. Donc, cette année, j'étais assise dans l'avion à côté d'une dame qui a pris mon geste zen pour une prière.
Le chat croyant me fait d'autant plus rire... Elle m'a expliqué que si je priais, je n'aurais plus peur, en avion. Elle même avait commencé à apprendre à lire pour se plonger dans le Coran. Marrant, mais la panique de l'avion a cédé doucement sa place à une autre forme de sentiment d'asphyxie. Première fois de ma vie que j'ai une conversation aussi surréaliste dans un avion. J'ai même envie de dire plus simplement, quelque part au sol ou dans les airs. Et en plus, cette année, où j'en bave. Où j'en souffre, vraiment. Comme une sorte de gag, de caméra cachée (oui, quand je vis un truc vraiment incroyable, je me dis que c'est un gag, une caméra cachée : pourquoi pour l'amour de Dieu, quand je suis nerveuse à en hurler, dans une caisse en métal je dois supporter stoïquement un discours qui en temps normal transformerait chacun de mes mots en griffes ? C'est presque inhumain, comme test). Je lui ai répondu que mon plus grand objectif scolaire, ces prochaines années, consiste à savoir lire et écrire parfaitement en turc, pour commencer. Et puis, je lui ai dit que, bah, de toute façon, comme je n'arrive pas à partager les valeurs de l'Occident, je me sens presque en permanence d'ailleurs. Et qu'à l'atterrissage, quoi que je fasse, je serai de toute façon au mieux, pour mes compatriotes, une Gavur Izmirli. Au pire, une touriste. Mon fatalisme oriental a dû lui convenir. Elle a ri et m'a dit, avec son truc sur la tête, plié comme j'aime pas du tout, ses mains tenant un livre de prière qu'elle lisait lentement, à voix basse, qu'au village on l'appelle aussi gavurlu. Elle m'a collé une profonde mélancolie, une envie de lui demander si se transformer allait lui apporter la paix ... je me suis contentée de lui résumer mon cursus dans les veines et lui dire que je ne pourrais envisager, malgré la beauté intrinsèque de l'Islam, en soi, libre, en soi, sans codes, en soi... trahir un de mes grand-père. Et là, son énorme sourire m'a fait du bien. L'impression d'être assise à côté d'une Turque comme je les connais, parlant de tout, de rien, grand-pères, enfants, etc... plutôt que bouquins à se mettre dans la tête.

Bon, il faut dire que je ne lui avais pas précisé : pas le grand-père de l'Occident, mais celui qui était à Izmir, le 9 septembre 1922. Celui qui, ces jours, à force de se retourner dans sa tombe doit avoir creusé et atteint le magma au centre de la terre. J'en ai des brûlures à l'estomac rien que de penser à lui.

... Il était musulman. Pas athée, mon dede. Il était Turc, avant tout. Avant tout. Il aimait son pays, comme tout ce à quoi il croyait, avec pudeur, tendresse, simplicité. On ne brandit que les amours qui ont besoin d'être affirmées. Jamais les évidences. Ouais... les évidences, on n'a jamais besoin de les brandir. Elles sont là, c'est tout.

[Aurel]

L'amour on ne le discute pas, il est.
Antoine de St Exupéry, terre des hommes...

Tu carresses le fusage de l'appareil en lui parlant, t'as des retours de shamanisme ?
J'ai, personnellement, plus de respect pour le shamanisme que pour tout autre religion monothéiste... au moins c'est plus sain !

Aurel
_________________
Donnez nous des bars, des filles à matelot,
Des chansons à boire ou à sanglots,
Suivez nous un soir au rencard des héros
Vivre l'histoire de la gigue et du couteau...
Soldat Louis

[Girsu]

entièrement d'accord, Aurel

<<L'amour on ne le discute pas, il est. >>

Tellement vrai que mon fiston qui passe presque deux mois chaque année en Turquie, à discuter quotidiennement avec mon père, m'a fait cette reflexion, en lisant mes dernières lignes : "Euh mam's chuis pas trop d'accord..." J'avais commis le sacrilège consistant à résumer son arrière grand-père en étiquette religieuse. "dede ne serait pas d'accord".
J'ai écrit : "Turc avant tout, trésor... comprenne qui voudra, non ?"

Ouais, ça ne se discutait tellement pas que l'on est même plus sûr de savoir de quoi il était question, au fond ...

Tu sais, Aurel, mon problème est plutôt que je suis tellement "libre penseur" que même l'athéisme est un carcan trop fermé à mes yeux.

édition post.post :

Et puis, il disait, aussi : l'amour c'est regarder ensemble dans la même direction.....
Ah Aurel...
Ces particularismes me font si mal.

... Entièrement d'accord, Aurel. Et comme je t’ai déjà une fois embêté avec le problème athéisme ou pas, je me permet d’ajouter, ici, en clin d’œil au shamanisme et toutes ces choses …


Mais c'est peut-être en descendant l'escalier de la maison d'Atatürk à Izmir, cet été, en caressant la rampe de bois patinée par les ans que j'ai eu vraiment, le sentiment de toucher au sacré. Etant avant tout cartésienne, je sais que c'est éminemment absurde, scientifiquement, mais c'est comme cela.

C'est la raison pour laquelle, aussi, j'ai toujours préféré le terme agnostique (ce besoin de toucher au "divin" pour y croire) au mot "athée" qui a une portée si radicale qu'elle est propre à clore toute ébauche de discussions, de compréhensions entre les hommes. Tout ce qui exclut le doute est propre à renforcer l’obscurantisme, par réaction et empêcher le progrès d’une manière générale (la science avance par besoin d’éliminer le doute). Aurel, j’ai mis beaucoup d’eau dans mon vin depuis ma haine viscérale pour le religieux que je tiens avant tout de mes cours bibliques obligatoires à l’école. Puis en tombant amoureuse de Rimbaud au lycée. Ce dégoût pour ces autels d’or auxquels de petites gens tendent de maigres sous, ah, ces enterrements chrétiens qui se terminent par un bruit atroce de piécettes brassées dans les sacs, ce mépris pour l’autre qui se contente de se tirer avec son bol à remplir par la sueur des autres alors qu’il réfléchit, cette rage devant le machisme institué en dogme pratique baguant les stagiaires qui se suivent, ces mariages obligatoires intra-religion bien purs et propres, pour faire perdurer le pédigree, pfff…
Oui, j’ai mis beaucoup d’eau dans mon vin, en réalisant que j’avais malheureusement aussi tendance à m’inspirer de sources de divin, de cet irrationnel né du sentiment… fusse-t-il bien plus diffus que ce que tout texte pourrait sacrer.
On a tous des zones autonomes (merci à Hakim Bey pour le concept) dans notre cerveau, zones qui nous transforment en robots si on choisit de les lier trop fermement à une seule corde, un seul livre.
En sortant de la maison, j’ai fait quelques pas… je me suis arrêtée devant une autre bâtisse d’époque. Deux trois maisons plus loin. Le sol rendu mouvant, probablement de la conjonction de la proximité de la mer et de quelques tremblements de terre l’aurait totalement fait s’effondrer ne serait-ce un de ces bâtiments neufs à côté, la soutenant. A quoi cela tient, les édifices, hein…
Pour moi il n'y a pas de constructions humaines sacrées hormis ce que l'esprit a pu y laisser… et il est de ces esprits qui me font simplement du bien, de les savoir encore présents, la paume sur la main courante… un peu shamaniste, oui. Un besoin viscéral, par moments, ne serait-ce que du bout des doigts, respirer et à fond, et emporter au creux de moi un certain parfum de mutluluk. De sublime brillance.

amicalement Aurel, pardon si je te semble survoltée par moments, mais pff, cette année 2007 c'est franchement un tel amoncèlement de mauvais timings, comme si tout allait juste trop vite, juste pas au bon moment, juste des toutes petites choses, des petits 18% au carnet d'épargne qui font oublier l'essentiel, (et qui suis-je, hein finalement pour juger, avec mon quoi, 1, 2% du pays des banques ?) juste des petites choses, des petites rancoeurs, des petits instants, tant de petits grains de sables ... qui piquent les yeux.

[murat_erpuyan]

[murat_erpuyan]

parmi les meilleurs photos de l'année 2007 de l'agence Reuteurs.

[avci1979]

murat abi tu fais tout pour plus que je monte dans un avion je suis obligé de prendre un somnifère mais là c'est bon je prend ma voiture

[murat_erpuyan]

statistiquement l'avion est plus sure que la voiture !



Bon je vais ouvrir bientôt un topic pour les accidents de voiture !

[avci1979]

ah ouai tu veux plus que je parte en turquie c'est ça

je ferais de l'autostop mais tu trouveras autre chose sur ça

[Girsu]

Pendant que j'y suis : Si quelqu'un pouvait expliquer à qui de droit que même à Genève, ville qui a pourtant banni la cigarette de tous les lieux publics sur le sol de sa juridiction, l'aéroport de Genève, lui, a encore un très beau coin fumoir, cela serait sympa. Il me semble quand même que prendre des avions c'est un truc hautement énervant pour certains, et que se la jouer plus puriste que les purs et durs, et ceci en Turquie - pas que j'insinue que tous les Turcs fument tous comme des Turcs - c'est simplement ridicule.
Et en plus, cela fait faire un boulot énorme supplémentaire pour les contrôles. Parce qu'au retour, une fois mes bagages checké, j'ai fait quoi, vous croyez ? Je suis ressortie de l'aéroport, et je donc j'ai repassé encore une fois. Donc c'est nul. D'ailleurs je l'ai aussi dit au type de la sécurité avec qui je partageais un cendrier dehors. J'espère qu'il passera le mot. Ces mesures éducatives aberrantes m'énervent, mais m'énervent... C'est quoi ce trip débile ? On se la joue quoi, là ? pfff. Se retrouver comme une vache à chiquer et mastiquer sa gomme, cela m'énerve. Mais bon, je sais, je sais, rien de bien important. Très Cola and McMonde, on me dira. Wonderful way of living, like they say. Mof course, mof course. ;o)