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L'Étau Conservateur : Comment la Turquie Musèle son Premier Girls Band Moderne,


13 septembre 2025 – Analyse critique sur la répression artistique en Turquie

Dans une Turquie où les manifestations contre l'autoritarisme d'Erdoğan font rage depuis mars 2025, un nouveau sommet dans la censure culturelle est atteint : le groupe de pop Manifest, premier girls band turc en une génération, est devenu le symbole d'une répression qui passe de la morale personnelle à la "sécurité nationale".

Ce n'est pas une nouveauté absolue – la purge culturelle sévit depuis des années, comme en attestent les controverses autour de la jeune popstar Aleyna Tilki dès 2018, accusée de sexualisation d'une mineure dans ses clips et interrogée par les autorités sur des allégations de taciz et d'exploitation enfantine ou l'emprisonnement récent d'Ayşe Barım, manager de stars TV, pour son rôle présumé dans les protestations de Gezi Park de 2013 – un dossier rouvert en 2025 avec des accusations d'"aide à la tentative de renversement du gouvernement" passibles de 22 à 30 ans de prison, malgré ses graves problèmes de santé (anévrisme cérébral, arythmie cardiaque).

Formé en janvier 2025 via l'émission de téléréalité Big5 Türkiye, ce sextet féminin (Sueda Üsküp, Hilal Salman, Lidya Pınar, Mina Solak, Zeynep Sönmez et Esin Doğan, âgées de 20 à 25 ans) a conquis la jeunesse avec son mélange audacieux de K-pop, électro et RnB. Leur premier single Zamansızdık (7 février 2025) a cumulé 12 millions de streams en quelques mois, suivi d'un album Manifestival (13 juin 2025) qui a toppé les charts turcs et azéris.

Mais un concert +18 à Istanbul le 6 septembre a suffi à déclencher une tempête judiciaire.

Condensons les faits, avec les détails qui comptent, pour décrypter cette affaire qui pue l'instrumentalisation politique.

L'Ascension Fulgurante d'un Symbole de Libération Féminine Manifest n'est pas juste un groupe : c'est un phénomène générationnel. Sélectionnées par un jury incluant l'ex-membre de Hepsi (un ancien girls band des années 2000), les six étudiantes ont émergé d'un format YouTube inspiré des concours K-pop comme Katseye. Leur musique – titres comme Arıyo (11 avril), KTS (Kalbimin Tek Sahibi) (16 mai) ou Snap (30 mai) – fusionne racines turques et edge féministe, avec des clips et chorégraphies qui célèbrent la confiance corporelle. Leur premier concert (16 février à Jolly Joker Arena, Istanbul) a vendu out, et elles ont enchaîné les covers de magazines (Cosmopolitan Türkiye, mars 2025) et interviews (Rolling Stone, mai 2025).

Les "Manifan", leurs fans, sont une armée de jeunes urbains qui voient en elles un antidote à la pudibonderie imposée par l'AKP depuis 2002. Résultat ? Un album qui cartonne, des festivals à guichets fermés, et une tournée turque prévue pour l'automne 2025, avec des billets épuisés en avance.

Mais cette liberté dérange. Dans un pays où les femmes sont reléguées à des rôles "traditionnels" par un régime islamo-nationaliste, Manifest incarne tout ce que craint le pouvoir : des jeunes filles qui dansent sans voile, qui chantent l'empowerment, et qui attirent une foule qui scande "Droit ! Loi ! Justice !" – le slogan de l'opposition CHP, repris dans des remixes fan-made de leurs chansons.

Des cas antérieurs, comme la chanteuse Gülsen condamnée en 2022 pour une blague sur des écoles religieuses, ou le rappeur Omar Souleyman arrêté pour liens supposés avec le PKK, montrent que cette vague répressive n'est que la pointe de l'iceberg.


Le Déclencheur : Un Concert "Immoral" qui Devient Menace d'ÉtatLe 6 septembre 2025, à Küçükçiftlik Park (Istanbul), 12 000 fans assistent au premier show +18 de Manifest. Costumes ajustés, chorégraphies sensuelles : rien de choquant pour un public adulte, mais suffisant pour enflammer les conservateurs.

Un conseiller proche d'Erdoğan tweete une diatribe virulente, les qualifiant de "créatures immorales, impudiques, à l’allure de démons". Le parquet d'Istanbul réagit le 7 septembre : enquête pour "actes obscènes" (TCK art. 226) et "indécence en public", passibles de 6 mois à 2 ans de prison.

Les six membres sont interrogées le 10 septembre, libérées sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la Turquie et obligation de pointer au commissariat.

Mais l'affaire mute vite. Le 10 septembre, le Juge de paix pénal d'Ankara bloque l'accès aux vidéos et images du concert sur X, YouTube et Instagram, invoquant non plus la morale, mais la sécurité nationale et l'ordre public.

Motif officiel : ces contenus "menacent la stabilité sociale" et pourraient "inciter à des troubles". Le 11 septembre, la tournée turque est annulée – un coup dur pour un groupe qui rêvait de "représenter la Turquie mondialement", comme l'écrivent-elles dans un communiqué larmoyant sur X : "Nous n'avons jamais voulu offenser qui que ce soit [...] Merci à nos fans pour leur amour".

Le fondateur, Tolga Akış (Hypers New Media), ajoute : "Nous sommes épuisés. Un jour, nous reviendrons plus forts."

Des posts sur X ironisent : "La vraie menace à la sécurité, c'est un girls band, pas les 1 900 arrestations des manifs anti-İmamoğlu ?

Pourquoi Cette Escalade ? Une Répression qui pue la Politique. Derrière les accusations de "pudeur offensée", c'est une offensive contre la dissidence qui se dessine. Les concerts de Manifest attirent une jeunesse rebelle, liée aux protestations de 2025 contre l'arrestation d'Ekrem İmamoğlu (maire d'Istanbul, CHP), pour corruption et liens PKK (19 mars 2025). Plus de 1 900 arrestations, expulsion de journalistes (BBC, Suède), et censure de chaînes comme Sözcü TV : le régime qualifie ces manifs de "terrorisme de rue". Les fans de Manifest, en scandant des slogans d'opposition, transforment les shows en foyers potentiels de contestation – d'où le pivot vers la "sécurité nationale", un motif fourre-tout pour bloquer 1 000+ sites en 2025 (HRW).

C'est aussi une guerre contre les femmes : première fois que des musiciennes sont visées pour "obscénité" (contrairement aux influenceuses ou créatrices de contenu adulte). Des figures pro-AKP comme Abdurrahman Uzun tonnent : "La jeunesse turque ne sera pas condamnée à des scènes en don-kilt !" Pendant ce temps, des scandales impliquant des élites (escort, kokain) passent crème.

Amnesty et HRW dénoncent : "Attaque contre la liberté d'expression et les droits des femmes" (art. 10 Constitution turque). Même Hürriyet (pro-gouvernement) critique l'excès. Et rappelons Ayşe Barım, incarcérée depuis janvier 2025 à Silivri (où croupissent aussi İmamoğlu et Osman Kavala), pour "aide à la tentative de renversement du gouvernement" liée à Gezi – un cas qui vise explicitement l'industrie culturelle pour la museler


Sur X et Reddit (r/popheads), le backlash est massif : 727 votes pour un post sur la "sentence" du groupe, avec des appels à contacter le consulat turc à NYC via Eric Adams pour un coup de pouce diplomatique.

Des posts ironiques pullulent : "Yobaz kudurtan" (ça rend les bigots fous), ou "Escort avec kokain OK, mais danse non ?
"Un Test pour la Turquie : Art ou Propagande ?

Cette affaire est un miroir : d'un côté, un régime qui étouffe la créativité pour imposer un conservatisme étouffant ; de l'autre, une génération qui refuse d'être muselée. Manifest, avec son "feminist edge", n'est pas innocente : elle challenge les normes, attire l'opposition, et exporte une Turquie moderne que l'AKP hait.

Si les poursuites aboutissent (audiences en cours), ce sera un précédent : adieu aux expressions "occidentales". Mais le soutien global (OGAE les invite même à représenter la Turquie en 2025) pourrait inverser la vapeur.

En conclusion, l'annulation de la tournée n'est pas une fin, mais un cri : la Turquie des jeunes mérite mieux que des juges moralisateurs.

Soutenez #FreeManifest – parce que danser librement, c'est déjà résister.

[murat_erpuyan]