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Vaclav Havel est mort

 
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Raskolnikoff
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MessagePosté le: 18 Déc 2011 17:44    Sujet du message: Vaclav Havel est mort Répondre en citant



PRAGUE (Reuters) - L'ancien dissident puis président tchèque Vaclav Havel, décédé dimanche à 75 ans des suites d'une longue maladie, incarnait aux yeux de beaucoup l'autorité morale par excellence dans l'Europe de l'Est post-communiste.

La "conscience éclairée" de la République tchèque, usée par ses problèmes de santé, s'était retirée de la vie politique en janvier 2003, après une douzaine d'années à la présidence, tout d'abord de la Tchécoslovaquie, puis, après une brève interruption, de la République tchèque.

Dramaturge et dissident, il passa près de cinq années en prison dans les années 1970. Politique et intelligent, il fut l'artisan de la "Révolution de Velours" qui mit fin, en novembre 1989 à quatre décennies de régime communiste.

La Tchécoslovaquie se tournait alors vers l'économie de marché, mais Havel fut là pour rappeler à ses compatriotes que la recherche de la prospérité ne devait pas effacer la mémoire d'un peuple, et il fustigea, lui, grand amateur de rock et de Frank Zappa, la culture occidentale lorsqu'elle se résumait aux fast-food et aux sodas.

Durant ses années de présidence, loin des moments où il s'était adressé aux foules immenses sur la place Wenceslas, le président occupa une place plus distante mais toujours privilégiée dans le coeur des Tchèques.

Peut-être parce que, comme il l'admettait, il avait conservé "certains traits du dissident dans son comportement de chef de l'Etat".

En janvier 1997, une bande de dissidents aux cheveux longs se réunit au Château de Prague, la résidence présidentielle, pour célébrer le 20e anniversaire de la signature de la Charte 77, manifeste pour les droits de l'Homme et pavé dans la mare du communisme.

Paradoxalement, Havel, qui venait d'être opéré d'un cancer, ne put participer à la fête, mais il s'adressa aux participants dans un message enregistré.

"Ceux qui sont à l'origine de la Charte 77 ou qui, sachant parfaitement à quoi ils devaient s'attendre, l'ont signée plus tard, pouvaient-ils imaginer alors qu'ils la célèbreraient dans la salle espagnole du Château de Prague, comme citoyens d'un Etat libre ?" souligna alors le président.

UN RÔLE D'ARBITRE

Le chef de l'Etat, timide et nerveux en public, frôla la mort une première fois en 1996. Il fut hospitalisé pour une pneumonie mais les médecins découvrirent une tumeur maligne, qu'ils retirèrent. L'opération se passa mal, Havel fut atteint de fortes fièvres. La même année, il perdit Olga, épousée 32 ans auparavant, vaincue par un cancer en janvier.

Un an plus tard, il se remariait avec une actrice de 43 ans, Dagmara Veskrnova, et arrêtait le tabac. Mais les ennuis de santé ne cessèrent pas pour autant. Cancer du poumon, occlusion intestinale, bronchite aiguë, hernie, les séjours à l'hôpital du chef de l'Etat furent réguliers.

Malgré cela, il se représenta à la présidence tchèque en 1998 et le Parlement le réélit pour un mandat de cinq ans.

Havel appréciait son rôle d'arbitre, celui-là même qui l'avait propulsé sur le devant de la scène en 1989, lorsqu'il avait négocié la capitulation du pouvoir pro-soviétique.

Vaclav Havel est né en 1936 dans une famille d'entrepreneurs en bâtiment très impliquée dans la vie culturelle et politique tchécoslovaque de l'entre-deux-guerres.

L'arrivée au pouvoir des communistes, en 1948, prive la famille de la plupart de ses biens et à quinze ans, une fois terminée la scolarité obligatoire, le jeune Vaclav n'est pas autorisé à poursuivre des études au lycée.

Il devient apprenti dans un laboratoire de chimie et prend des cours du soir pour achever sa formation secondaire, ce qu'il parvient à faire en 1954.

Mais, pour des raisons politiques, l'accès à l'étude des sciences humaines dans un établissement d'enseignement supérieur lui est interdit. Il s'inscrit alors à la Faculté d'Economie de l'Université technique Tchèque, qu'il quitte au bout de deux ans.

A son retour du service militaire, il travaille comme technicien dans des théâtres, au Divadlo ABC puis, au Divadlo Na zabraldi et, de 1962 à 1966, il suit des cours par correspondance à la Faculté de Théâtre de l'Académie des Arts musicaux.

Depuis l'âge de vingt ans, Vaclav Havel a publié divers articles et critiques dans différents périodiques littéraires. Ses premières oeuvres seront montées au Divadlo Na zabraldi, notamment "La garden party", en 1963.

QUAND LE PRÉSIDENT ET L'ÉCRIVAIN SE REJOIGNENT

Il est l'une des figures de la prise de conscience civique du Printemps de Prague, en 1968, période au cours de laquelle il produit "Le mémorandum" (1965) et "La difficulté accrue de se concentrer (1968).

Après l'écrasement du Printemps de Prague, ses oeuvres seront interdites de publication en Tchécoslovaquie.

Cofondateur de la Charte 77 dont il fut l'un des trois porte-parole, il a effectué plusieurs séjours en prison. Mais en pleine effervescence, en plein tumulte de la fin de l'empire soviétique, il garda la tête froide.

Dès le début de la Révolution de Velours, en novembre 1989, il devient la figure de proue du Forum civique, qui regroupe des organisations et des personnalités réclamant des changements fondamentaux du système politique tchécoslovaque.

Il négocie la fin du régime communiste et, sept semaines plus tard, après avoir été élu président de l'Assemblée fédérale de Tchécoslovaquie, il s'installe au Château, d'où il voit arriver de nouveaux dirigeants, des technocrates avec lesquels il ne s'entend guère.

Comme par exemple Vaclav Klaus, nommé Premier ministre en 1992, monétariste convaincu, qui s'oppose à Havel pour imposer la partition de la Tchécoslovaquie la même année.

Havel démissionne alors de la présidence tchécoslovaque pour devenir président de la nouvelle République tchèque un an plus tard. Mais ses relations restèrent tendues avec Klaus et les deux hommes apparurent très rarement ensemble en public.

De son château, Havel défendit l'intégration de la République tchèque au bloc occidental, de l'Otan à l'Union européenne. Mais, devant le parlement de Strasbourg, il mit l'Europe en garde contre les "symptômes de l'égoïsme national, de la xénophobie et de l'intolérance raciale", l'invitant à faire l'"examen critique" de ses valeurs.

Le président et l'écrivain se rejoignirent alors. De ses "Lettres à Olga" à "Largo Desolato", Vaclav Havel n'aura jamais cessé de s'interroger sur les responsabilités morales de l'homme et le respect des libertés.

Jean-Loup Fiévet pour le service français, édité par Benjami Massot

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MessagePosté le: 18 Déc 2011 21:59    Sujet du message: Répondre en citant

Vaclav fût le symbole de la moralité en politique, c'est parfaitement juste, l'un des rares politiciens dans le monde à ne pas utiliser la langue de bois. Il fût intègre jusqu'à la fin de sa vie car il était un véritable intellectuel. C'est ce qui manque cruellement à la Turquie où la politique est un métier comme dans la plupart des pays européens. Seuls des gens comme Vaclav peuvent changer le monde....et ce sont toujours les meilleurs qui partent en premier.
Paix à toi! Tu nous manque déjà.
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Raskolnikoff
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MessagePosté le: 19 Déc 2011 15:52    Sujet du message: Répondre en citant

dimanche18 décembre 2011 Le Temps, quotidien genevois
Vaclav Havel est mort
Par André Clavel
L’ancien président tchèque Vaclav Havel est mort dimanche L’ancien président tchèque est mort dimanche à l’aube des suites d’une longue maladie. Le dramaturge et ancien dissident, artisan de la «Révolution de velours» en 1989, était âgé de 75 ans. Il était éloigné depuis longtemps de la vie publique pour des raisons de santé

Il avait des cheveux bouclés et un regard d’azur. Avec son écharpe de soie blanche, il ressemblait au jeune Swann. Homme d’état, il était aussi un homme d’éclats, qui aimait désobéir. Désobéir à l’establishment culturel, lui qui forgea ses premières armes dans le camp de la marginalité littéraire. Désobéir aux dogmes marxistes, lui qui était profondément humaniste. Et, bien sûr, désobéir au pouvoir, jusqu’à devenir un symbole de la résistance anti-communiste. Sa vie? Elle semble réglée comme un scénario de théâtre, en un long crescendo qui va de la bohême à la rébellion, de la rébellion à la prison, de la prison au Château. Révolutionnaire de velours, écrivain-dissident, dramaturge-président: les mots ne manquent pas pour définir Vaclav Havel, démocrate en parka grise dont l’occident fit une sorte de mage, le prophète de la renaissance spirituelle derrière le rideau de fer. Comme Soljenitsyne.

Né à Prague le 5octobre 1936, Havel est d’entrée un suspect, à cause de ses origines bourgeoises. On lui refuse donc le droit de s’inscrire à l’université‚ et, au début des années 60, il frappe à la porte du théâtre de la Balustrade: il sera machiniste, puis éclairagiste, et commencera à griffonner ses premières pièces, sous le signe de Ionesco. Au générique: humour, désillusion, satire au vitriol. Avec les mêmes personnages emblématiques, des êtres décervelés par les machines infernales du totalitarisme, des marionnettes kafkaïennes broyées par la «grande roue «--titre d’une pièce écrite en 1972- – d’un pouvoir aveugle. De ce pouvoir, le dramaturge dénonce la gigantesque escroquerie qui lui sert de morale: la nécessité de se compromettre pour faire carrière dans une société combinarde dont les apparatchiks sont les nouveaux Tartuffe.

Il y a du Molière chez Havel. Avec, en plus, tout l’héritage du théâtre de l’absurde. Absurde, parce que le monde qu’il peint est lui-même insensé. Dans La fête en plein air, le jeune Hugo se heurte aux clichés imbéciles et à la langue de bois des discours dominants. Dans Notification, le fonctionnaire Gross doit décrypter une lettre indéchiffrable à laquelle il ne comprend rien. Dans les pièces suivantes, très autobiographiques (Audience, Vernissage, Pétition, Tentation), on retrouve les mêmes solitaires qui «ne sentent plus la terre ferme sous leurs pieds «. Ils titubent sur un théâtre d’ombres où les mots ont perdu leur sens et leur âme, à tout jamais. Et si l’œuvre de Havel est si parodique, c’est parce que le communisme s’est lui-même construit sur une parodie du langage, sur une trahison de la parole.

L’autre visage de Havel, c’est bien sûr celui du dissident politique. Qui participe au dégel culturel de la Tchécoslovaquie, au fil des années 60. Qui signe dans Visage, la revue rebelle. Qui préside le Cercle des écrivains indépendants. Qui devient l’un des acteurs du printemps de Prague. Qui est violemment censuré après l’invasion de sa patrie en août1968. Qui fonde la fameuse Charte 77, avec le philosophe Jan Patocka. Qui est arrêté en 1979 et passe quatre ans en prison, où il écrira les bouleversantes Lettres à Olga. Qui prend la tête de la Révolution de Velours. Et qui, soudain, voit l’Histoire lui rendre triomphalement justice lorsqu’il est élu président de la République Tchécoslovaque, le 29décembre 1989, fonction dont il démissionnera trois ans plus tard.

Du début à la fin, le même combat pour l’humanisme. Et le même homme turbulent, rongé de doutes, aussi passionné lorsqu’il colportait ses samizdats que lorsqu’il mitonnait ces plats de goulasch dont il avait le secret. Avec Havel, c’est un symbole qui disparaît. Une autorité morale qui fit du théâtre une politique jubilatoire, et de la politique, un théâtre de libération. De ce théâtre-là, le rideau vient de se baisser brutalement. Salut, l’artiste!

Les pièces de Vaclav Havel sont publiées chez Gallimard et ses essais politiques chez Calmann-Lévy. A lire aussi, aux éditions de L’Aube, les Lettres à Olga, un livre d’entretiens (Interrogatoire à distance) et la biographie d’Eda Kriseova.

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MessagePosté le: 19 Déc 2011 15:54    Sujet du message: Répondre en citant

Le dissident devenu président
Par Serge Enderlin

Avec l’ancien président tchèque disparaît l’une des dernières grandes figures morales de l’Europe politique. La «Révolution de velours» restera la plus belle pièce du dramaturge praguois. Du dissident au président, itinéraire d’un homme de courage

Les premiers à l’apercevoir passer en coup de vent entre deux portes en restèrent longtemps interdits. C’était bien lui, en bras de chemise, le nouveau chef de l’Etat, moustache en broussaille et clope au bec, virevoltant dans les longs couloirs du château de Prague sur la trottinette offerte par la joueuse de tennis Martina Navratilova. Il composait son administration sur des feuilles volantes, glissant ici les noms de dissidents revenus quelques jours plus tôt de longs exils intérieurs, comme Jiri Dienstbier; suggérant là d’offrir le Ministère de la culture au musicien américain Frank Zappa, qu’il admirait depuis toujours. Président feu follet, Vaclav Havel savoure, en ce mois de janvier 1990, chaque instant d’un état de grâce né quelques semaines auparavant dans l’improvisation générale de la «Révolution de velours».

Nous sommes le 17 novembre 1989. Le mur de Berlin est tombé huit jours plus tôt, et les Tchèques, presque surpris de leur propre audace, sont 50 000 à défiler, entre l’avenue Narodni et la place Vencelas. Ils réclament «davantage de liberté» à la clique de gérontes rouges anonymes qui gèrent une Tchécoslovaquie sous «normalisation» depuis l’écrasement du Printemps de Prague en août 1968. Quelques mois plus tôt pourtant, Gorbatchev, en visite à Berlin-Est, avait donné ce qui restera comme le «baiser de la mort» au potentat est-allemand Erich Honecker, en lui glissant ce mot d’avertissement: «Ceux qui ne saisissent pas le vent du changement finissent dans les poubelles de l’histoire.» Mais à Prague, on ne saisit rien. Le 17 novembre, le comité central du PC fait donner les matraques de la StB, la sécurité d’Etat. Pourtant tout va très vite. Deux jours plus tard, nouvelle manifestation pacifique, deux fois plus de monde. A chaque aube nouvelle, la foule ne cesse de grossir et les slogans se précisent. Les vagues promesses d’ouverture des apparatchiks ne suffisent plus. «Havel na Hrad!» («Havel au Château), scande tout un peuple. Débordées, les forces de police reçoivent l’ordre de laisse faire en attendant peut-être l’essoufflement du mouvement. Mais quand, le 23 novembre, Havel apparaît à la fenêtre du quotidien Lidové Noviny, aux côtés d’Alexandre Dubcek, le héros malheureux de 1968, l’affaire est pliée. Ce qu’il dit alors aux centaines de milliers de personnes amassées sur la place Venceslas sanctionne l’écroulement d’un des régimes communistes que l’on croyait l’un des plus durs d’Europe de l’Est: «N’ayez plus peur! L’amour et la vérité triompheront du mensonge et de la haine.»

A l’Est, l’automne des peuples emporte en moins de deux mois un système mis en place à Yalta. Très vite, Havel s’impose comme la figure principale de cette nouvelle ère, l’homme intègre et intransigeant, le discoureur charismatique à la voix monocorde, qui voit déjà une Europe agrandie et indivisible quand d’autres (à commencer par François Mitterrand, qui fera les frais de cette myopie) temporisent, stupéfaits par l’effondrement quasi instantané d’une architecture politique du continent qu’ils jugeaient immuable.

Prague devient le carrefour de ce nouvel espace de liberté, l’épicentre des possibles. On se bouscule chez le président-philosophe, auteur presque malgré lui d’une pièce politique géniale. Le «velours» est à la mode, C’est au Château qu’intellectuels et politiques de tout le continent convergent pour esquisser ce qui deviendra fatalement une Union européenne élargie – mais cela prendra un peu plus de temps que prévu: les Tchèques et leurs voisins n’adhéreront qu’en mai 2004.

La première déception intervient en 1992 déjà avec l’amorce de la séparation de la Tchécoslovaquie en deux nations distinctes. A Bratislava, c’est le tribun populiste Vladimir Meciar qui donne le ton: les Slovaques n’ont jamais eu de nation à eux, etc. A Prague, le premier ministre ultralibéral Vaclav Klaus, qui ne partage que son prénom avec Havel, n’y trouve rien à redire. A l’époque, les Slovaques sont perçus par les Tchèques comme un boulet sur l’autoroute de la bonne fortune qui s’est ouverte devant eux. Un «Divorce de velours»? Personne n’en voit l’utilité, mais personne non plus n’en déplore l’issue. Il est consommé le 1er janvier 1993. A Prague, Havel est élu à la tête d’un nouveau pays, la République tchèque. Il cohabite tant bien que mal avec Vaclav Klaus, chef d’un gouvernement qui va très vite faire de l’europhobie une marque de fabrique.

Bien sûr il y a des moments historiques, comme l’entrée de la République tchèque dans l’Alliance atlantique (1999), ou le geste de réconciliation («La Déclaration» de 1997) à l’égard des Allemands à propos de l’expulsion des Sudètes après-guerre – acte encore contesté encore aujourd’hui qui nécessita un vrai courage politique aussi bien du côté de Vaclav Havel que de celui de Helmut Kohl. Il y eut aussi des échecs: «la saloperie» de guerre russe en Tchétchénie, l’offensive en Irak qu’il a soutenue («Lorsqu’on passe à côté d’une vieille dame attaquée, on ne reste pas indifférent») mais qui était «si mal préparée». Et puis surtout, un monde qui change et n’écoute plus les esprits sages. Un peu isolé au Château, Havel y effectue deux mandats, mais son message porte moins auprès de ses concitoyens. Porteur d’un message cosmopolite dans un pays parfois étriqué et, plus encore, obsédé par la réussite matérielle, Havel se positionne en caution morale et intellectuelle alors que l’heure est à la dissolution dans le grand œuvre apocryphe de la globalisation. Il regrette alors le «provincialisme tchèque, cette petite mentalité mesquine qui se développe aujourd’hui sous la forme d’un antieuropéanisme selon lequel l’UE menacerait l’identité nationale. C’est nous, nous seuls qui pouvons nous priver de notre identité, par la dégradation de la langue que nous utilisons, par l’architecture minable que nous laissons réaliser, par le manque de respect pour le paysage culturel, pour nos monuments, […] par la construction de nouveaux monstres de la consommation, nous nous transformons en pays mondialisé le plus banal qui soit.» Pour ses détracteurs, Havel est devenu un «président bourgeois», occupé par ses sorties droits de l’homme sur la scène mondiale et par la gestion de son patrimoine familial restitué, quand l’opinion a des soucis plus terre à terre: emplois, retraites. Bourgeois oui, mais Havel l’était de naissance, avant que le cours de l’histoire n’en décide autrement.

Né le 5 octobre 1936 à Prague dans une famille d’entrepreneurs richissimes qui possédait des studios de cinéma et des immeubles, Havel a été privé d’études au nom de la lutte antibourgeoise menée par le régime communiste arrivé au pouvoir en 1948. Les biens familiaux confisqués, il exerce divers petits boulots, passe son baccalauréat en suivant des cours du soir, écrit, se lance dans le théâtre où il devient accessoiriste, éclairagiste et enfin dramaturge. Ses pièces convoquent théâtre absurde et héritage kafkaïen. Banni de la scène après le Printemps de Prague avorté, il refuse d’émigrer et s’engage dans la dissidence. En 1976, il élève sa voix contre l’emprisonnement des membres de Plastic People of the Universse, un groupe rock non-conformiste. Il rédige alors la fameuse «Charte 77», exigeant du pouvoir communiste qu’il respecte les engagements d’Helsinki sur les droits de l’homme. Harcelé par la sécurité d’Etat, il est mis au cachot en 1979 pour quatre ans.

De cette époque date en partie sa constitution fragile: les cellules de la prison de Ruzyne, près de l’aéroport, sont en effet réputées humides. Les paquets de Petra (la cigarette des ouvriers), qu’il consomme au rythme de trois par jour, n’aident pas non plus. Les premières alertes de santé interviennent en 1996, juste après son second mariage, avec l’actrice Dagmar Veskrnova, de vingt ans plus jeune que lui – sa précédente épouse, Olga, est décédée d’un cancer quelques mois auparavant. Atteint d’une tumeur au poumon, Havel est soigné, mais reste sous surveillance permanente. Car les rechutes (complications pulmonaires) sont fréquentes jusqu’à sa sortie de la scène politique. Il tire sa révérence au sommet de l’Etat le 2 février 2003, après une cérémonie soporifique au Parlement et un concert au Hard Rock Cafe. Il ne se remettra jamais vraiment à l’écriture, publie en 2007 des Mémoires un peu foutraques qui ne connaîtront pas le succès qu’elles méritaient. L’heure, en Europe comme à Prague, n’est plus aux grands principes et aux envolées lyriques.

Serge Enderlin a été correspondant à Prague entre 1993 et 1997 pour «Le Nouveau Quotidien», «Libération» et la RSR
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MessagePosté le: 19 Déc 2011 22:34    Sujet du message: Répondre en citant

L’élément tragique de l’homme moderne, ce n’est pas qu’il ignore le sens de la vie, c’est que cela le dérange de moins en moins (Vaclav Havel)



Shalom Vaclav
Par Stéphane Juffa © Metula News Agency



Les Tchèques ont mal. L’homme dont Milan Kundera disait que "la vie est une œuvre d’art" vient de mourir. Vaclav Havel, que ses compatriotes appelaient la "personnalité extraordinaire", s’est éteint hier, dans sa maison de Hradecek, à 150 kilomètres de Prague.

L’ancien président tchèque faisait partie de ces gens que l’on sait patraques, et pour lesquels on craint, chaque matin, apprendre le décès en écoutant les premières nouvelles à la radio. Entre son cancer du poumon, décelé et opéré en 96, ses trois paquets de cigarettes quotidiens, sa bronchite, mal soignée à l’époque communiste et devenue chronique, sa toux, qui ne le quittait jamais, Havel était un mal barré dans le domaine de la santé.

Pourtant, ce qu’il a réussi à faire en 75 ans d’existence ! Tant de hauts, de bas, et de remontées encore. Tant de fois tutoyé la faucheuse, mais sa cligner, sans abaisser le regard, ni abandonner un seul iota de ses convictions.

Cinq ans dans les geôles de ceux qui détenaient "le pouvoir sans le pouvoir" sous la domination russe, en trois périodes, entre 77 et 89, rien de bon pour ses bronches fragiles. Le pouvoir sans le pouvoir, c’est précisément le livre qu’il écrivit durant ces années de taule, dans lequel il décortique au scalpel les mécanismes d’oppression des régimes communistes. Il y décrit comment ce pouvoir se maintient, en fabriquant une société résignée, composée d’individus apeurés et totalement corrompus.

Mais il oppose aussi à ce régime un message d’espoir, expliquant que la résistante morale est bien plus puissante que lui, et qu’elle l’enterrera et lui survivra. Cette partie de l’ouvrage est accueillie comme une prophétie, en Tchécoslovaquie, et dans d’autres pays croupissant sous la botte de Moscou. En Pologne, par exemple, où il inspire et donne de l’énergie à Solidarnosc.

De nombreuses années auparavant, le régime l’avait empêché de suivre des études supérieures. Raison : il était un ennemi de classe, étant né dans une famille nantie, qui possédait, avant-guerre, des cinémas, des immeubles et des usines.

En 1948, quand les Soviets établirent leurs portent-flingues sur le trône, ceux-ci accusèrent évidemment la famille Havel de collaboration avec les nazis. On leur confisqua tous leurs biens et on envoya les parents de Vaclav travailler comme ouvriers dans l’une des usines qu’ils avaient construites.

Ce qui ne le persuada guère d’abandonner sa vision libérale du commerce, lui qui affirmait : "Plus le propriétaire de l’entreprise et sa prospérité économique auront de l’importance, plus les personnes qui y travaillent auront de l’importance".

Le jeune Vaclav fut contraint d’apprendre un métier manuel ; il choisit un apprentissage de technicien en chimie, mais il suivit, en cachette, les cours du soir pour obtenir son bac ; et personne ne put l’empêcher d’être admis en faculté d’économie, à l’Ecole Technique Supérieure de Prague.

C’est dans cet environnement favorable qu’il se vouera instantanément à sa véritable passion, qu’il n’abandonna qu’aux tout derniers moments de son existence : l’écriture. A dix-neuf ans, il publie ses premiers articles, ses premières nouvelles, et des pièces de théâtre.

En 1960, Vaclav Havel, qui vient de terminer son service militaire, a 24 ans. Sa première pièce est jouée, au Théâtre sur la balustrade. Il s’entiche d’une comédienne, Olga, qui devient sa première épouse.

Il touche à tous les genres, y compris à la prose érotique ; les autres homélistes n’en parleront plus, car cela leur semble incompatible avec la grandeur de l’œuvre du défunt, mais moi qui l’ai lu, je vous assure que même dans ce domaine particulier, il était bourré de talent.

En fait, tous les styles sont bons pour transposer la critique du système, comme dans les fables de La Fontaine, dans lesquelles ce sont les animaux qui disent leurs vérités aux hommes.

Mais les communistes ne sont pas dupes et ils ne cultivent pas particulièrement le sens de l’humour ; alors, en 1974, le gouvernement censure ses pièces et refuse de publier ses écrits. C’est trop tard, cependant, la réputation de Vaclav Havel est déjà faite, son intransigeance morale est établie.

Il devient président du Cercle des écrivains indépendants, et membre actif du Club des sans-parti engagés. Indépendant dans un système où l’adhésion est une obligation, sans parti, dans l’univers du parti unique, les dés sont jetés depuis longtemps…

Dès le début 75, il est l’un des rédacteurs et des leaders de la Charte 77. Une pétition d’opposants intellectuels qui rejettent la normalisation soviétique de la société tchèque après l’écrasement du Printemps de Prague, en 1968.

Ils soutiennent le groupe rock Les gens en plastique de l’univers contre le gouvernement de la poupée russe Gustav Husak.


Les 242 signataires de la Charte exigent du gouvernement qu’il respecte les engagements qu’il a eu la faiblesse de prendre – afin d’apaiser le mécontentement et sans la moindre intention de tenir parole – dans le Journal Officiel, en octobre 1975.


La Charte 77 a eu deux mérites immenses dans le processus de libération du joug soviétique : d’une part, dans les années 70 et 80, elle a constitué l’organe officiel de l’opposition ; sorte de gouvernement clandestin, qui publiait ses communiqués grâce à des feuillets que l’on se passait sous le manteau, les fameux samizdats.

Et puis, au contraire de ce qui se passe le plus souvent lors des phases révolutionnaires, Havel et ses camarades n’ont pas cessé de tenter d’instaurer un dialogue constructif avec les autorités.

Et cela ne coulait pas de source, en Tchécoslovaquie, où, à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, la population s’était vengée, pour toutes les souffrances qu’il lui avait infligées, sur tout ce qui était allemand. Dans aucun autre pays libéré de l’hitlérisme la reconquête ne s’est faite dans des circonstances plus implacables. Il est vrai que les nazis avaient particulièrement martyrisé la Tchécoslovaquie et ses populations.

C’est Vaclav Havel qui donna l’impulsion idéologique d’une révolution sans vengeance contre les suppôts de l’ancien régime. Ce qui entrera dans l’histoire sous le nom de "Révolution de velours". C’était d’abord dans l’esprit d’Havel, qui détestait naturellement la violence, et ne voulait pas qu’elle macule la réputation de ses compatriotes.

Il écrira à ce propos : "La violence engendre la violence. C’est pourquoi des révolutions se sont perverties en dictatures", et, "Une lutte pour tout est forcément une lutte contre tout et ne peut se terminer tôt ou tard que par un massacre général".

Cela partait d’une sage philosophie, mais ce fut également un juste calcul stratégique, qui fit que les édiles communistes – assurés qu’ils n’allaient pas être massacrés -, dès qu’ils atteignirent la conviction qu’ils ne pourraient pas conserver le pouvoir, le transférèrent sans s’y accrocher.

Ainsi, l’Assemblée fédérale qui élira Vaclav Havel au poste de "Président intérimaire de la Tchécoslovaquie", dans l’attente des premières élections libres, est l’Assemblée de l’ancien pouvoir, composée à 80% de "députés" communistes !

Son mandat devait prendre fin après quarante jours, mais, de par la volonté démocratiquement exprimée du peuple, il durera treize ans.

Parce qu’en novembre 89, alors qu’il vient de sortir de prison, et qu’il ne sollicite rien de personne, assurément pas la présidence de l’Etat, il avait été littéralement porté par la foule en révolte à la tête du Forum civique, l’association qui regroupait tous les mouvements de contestation. C’est à ce titre qu’Havel négocia les modalités de la transition avec l’Etat communiste.

Devenu Président, non sans faire preuve d’un humour caractéristique de son esprit, Vaclav Havel décida, à l’occasion de l’une de ses premières décisions, de réparer une erreur de l’histoire. C’est ainsi qu’il nomma le dissident Rudolf Slansky junior ambassadeur à Moscou. C’était le fils de Rudolf Slansky, ancien Secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, et juif, qui fut pendu avec treize de ses camarades, sur ordre du Kremlin, lors du procès truqué de Prague en 1952.

Rudolf Slansky père avait tenté en vain de se suicider, mais, à force de menaces et de manipulations, le régime l’obligea à requérir la peine de mort contre lui-même.

Son nom est d’ailleurs cité par Jean Ferrat dans sa chanson Le bilan (du stalinisme). Et le procès donna lieu au livre d’Artur London, L’aveu. London, juif lui aussi, comme beaucoup des suppliciés, ex-ministre des Affaires Etrangères de Tchécoslovaquie, qui fut l’un des trois rescapés du procès. Ayant vu son verdict de mort commué en prison à perpétuité, London sera finalement libéré en 1956.

Son livre sera porté à l’écran par Costa Gavras, sans changer le titre l’Aveu, avec Yves Montand (un autre revenu repenti du communisme) qui y interprète, de l’avis de beaucoup, le meilleur rôle de sa carrière cinématographique.

Autre geste symbolique fort du Président Havel : il réalise sa première visite officielle à l’étranger en Israël. Il s’y rend en avril 1990, et emmène avec lui 180 Juifs tchèques. Ce, alors que le Bloc de l’Est n’entretenait pas de relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.

A Jérusalem, Vaclav Havel aura ce mot, que je trouve à la fois troublant de réalisme, d’humilité et de grandeur : "Nous sommes deux petites nations, dont l’existence n’a jamais pu être considérée comme acquise".

L’homme qui vient de tirer sa révérence a toujours été, sans le moindre faux col, un ami intime et sincère d’Israël et des Israélites. Au point que je n’hésite pas à affirmer que, pendant qu’une pluie unanime de télégrammes de sympathie tombe, de toute la planète, sur Prague en deuil, le peuple d’Israël, après celui de Tchéquie, est le second peuple à pleurer sa perte depuis hier.

Même diminué, en 2010, Monsieur Havel avait été l’un des membres fondateurs des "Amis d’Israël", une organisation de soutien à l’Etat hébreu, regroupant des personnalités connues du monde politique, provenant des quatre coins de la planète.

Dans sa démarche philosémite, Vaclav Havel reproduisait la tradition de la Tchéquie : l’un des seuls pays du monde où "Juif" est un compliment. La tradition de Prague, la cité aux neuf musées juifs, la patrie du Golem et de Franz Kafka. Et du Maharal, le rabbin Yehouda Loew ben Bezalel (1512 - 1609), qui reste le saint patron de Prague, et dont la statue monumentale veille toujours sur la mairie de la ville.

Shalom Khaver.
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Родион Романович Раскольников
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